Thomas Friedberger

Directeur général adjoint et codirecteur de l'information de Tikehau Capital

Europe, le compte à rebours : examen des enjeux de la souveraineté européenne

Depuis le retour de la guerre en Europe, conjugué aux effets néfastes de la pandémie COVID-19 sur le modèle économique d'un continent largement ouvert sur le reste du monde, l'expression "souveraineté européenne" revient souvent dans les discours des dirigeants et des personnes d'influence. Pourtant, dans le contexte de notre histoire, cette expression pourrait être considérée comme un oxymore. Dans le dictionnaire, la souveraineté est définie comme l'exercice d'un pouvoir sur une zone géographique et sur la population qui y vit, ou comme le statut d'un État qui n'est gouverné par aucun autre. En théorie, la souveraineté concerne donc les États, alors que l'Europe elle-même n'est pas considérée comme telle. Mais ce n'est pas tout. L'Europe est composée d'États qui s'affrontent depuis des siècles - militairement, culturellement et économiquement - pour défendre leur propre souveraineté. Le terme "souveraineté européenne" est donc en soi un oxymore. Si l'Union européenne avait le pouvoir sur les peuples d'Europe, ses États membres ne seraient pas souverains. Il est donc essentiel de s'interroger sur la manière dont cette notion de souveraineté peut être redéfinie au XXIe siècle, à l'heure où le monde entier est relié par des interactions qui, si elles sont sans doute en déclin, n'en continueront pas moins d'exister. "La souveraineté 2.0, celle qui pourrait exister en 2023 pour les grandes puissances mondiales comme la Chine, les États-Unis ou l'Inde, pourrait désigner leur capacité à commercer avec leurs partenaires tout en appliquant leurs propres principes sur leur sol et dans leurs relations avec les autres nations, sans avoir à ajuster leurs valeurs. Cela implique un certain degré d'autonomie, de résilience économique et d'influence culturelle, scientifique et académique. S'il n'est pas réaliste de penser que les États du XXIe siècle puissent être entièrement autonomes, la souveraineté suppose, à tout le moins, que la dépendance à l'égard des autres dans certains domaines puisse être compensée par la réciprocité. C'est ainsi que nous aborderons la notion de souveraineté européenne dans cette lettre. Ainsi définie, la revendication de l'Europe à construire sa souveraineté doit être considérée comme légitime, compte tenu de l'histoire, des valeurs et de la situation actuelle du continent. L'objectif de cette lettre est de montrer comment le concept de souveraineté peut générer une valeur économique considérable pour les investisseurs.